Sur RFI : « Le Brexit, un feuilleton qui exaspère les 27 »
Le Brexit aura-t-il lieu un jour ? Le Brexit, ce feuilleton que les plus créatifs scénaristes de séries télévisées n’auraient jamais imaginé, exaspère de plus en plus les 27 autres pays de l’Union, irrités et le mot est faible par l’indécision des Britanniques. Mais au-delà des faits que révèle ce Brexit dans l’inconscient des Anglais ? »
Yves Bertoncini, Président du Mouvement Européen, en débat avec Pauline Schnapper, professeure de Civilisation britannique contemporaine à l’Université Sorbonne nouvelle, et Philip Turle, journaliste à RFI et France 24, dans l’émission « Carrefour de l’Europe » présentée par Daniel Desesquelle sur RFI.
Exaspération européenne
Yves Bertoncini, Président du Mouvement européen – France, commence par commenter la récente conférence de presse de Xavier Bettel, Premier ministre du Luxembourg. Selon lui, la frustration et exaspération qu’il n’a pu cacher caractérisent bien l’état d’esprit de la plupart d’autres acteurs européens comme Michel Barnier ou Emmanuel Macron. Cette émotion nuirait à l’image de l’Union européenne au Royaume-Uni, les britanniques considérant que l’Union manque de flexibilité dans les négociations.
Le Président du Mouvement européen – France souligne les doutes qui existent sur la capacité de Boris Johnson à avaliser « dans un contexte parlementaire difficile » une version amendée de l’accord de retrait et sa réelle volonté d’atteindre un tel accord. Il se peut que sa stratégie soit précisément d’aller vers une sortie sans accord dont il imputerait le blâme aux dirigeants européens. « Dans cette perspective, Xavier Better lui a presque rendu service. Son discours nous réjouit et traduit notre exaspération, mais peut tout à fait servir à Boris Johnson qui dirait ‘regardez, ces gens ne savent pas se conduire et ne nous respectent pas’« .
Jeu de poker menteur
Yves Bertoncini compare la situation à un jeu de poker menteur et dangereux : « Les Européens, et en particulier les Français, auraient à souffrir d’un Brexit sans accord ». Malgré toute la « dramaturgie » du moment, il espère que « les dirigeants européens réussiront, au moins derrière le rideau, à faire un geste et à montrer qu’ils ont fait un geste, pour ensuite endosser les conséquences d’une absence d’accord et d’une sortie catastrophique. Au moins ainsi Boris Johnson aura moins facilement la capacité de dire que c’est la faute de l’UE ».
Le Président du Mouvement Européen rappelle que d’un point de vue technique, « on sait où est le curseur et ce qu’on peut encore changer » dans l’accord. En revanche, d’un point de vue politique, la volonté de Boris Johnson de trouver une solution apparaîit incertaine. Selon Yves Bertoncini, « les Européens prendront une décision pragmatique, ils essayeront de trouver un accord, bouger un ou deux curseurs, mais ils seront prêts à endurer un Brexit sans accord s’il n’y a pas d’autre solution ». De plus, le désordre provoqué par une sortie sans accord forcerait les Britanniques à revenir plus vite à la table des négociations. Peu importe si le divorce est négocié ou brutal, il faut se parler pour définir la suite de la relation.
L’exceptionnalisme britannique influence-t-il les négociations ?
Yves Bertoncini est convaincu qu’il faut prendre au sérieux les racines culturelles, historiques et géographiques du Royaume-Uni qui expliquent la tiédeur ainsi que la démagogie de ses leadeurs politiques sur l’Europe – même s’il cite quelques dirigeants plutôt pro-européens « à leur façon » comme Tony Blair et Margaret Thatcher. « Cet exceptionnalisme lié au passé glorieux, c’est celui que convoque parfois Boris Johnson quand il parle des grandes heures de l’Angleterre, le blocus continental, le blitz… Il raconte une histoire – et ça fait partie de son succès – qui peut faire écho à cette mythologie nationale : ‘On en a vu d’autres, et même si on a un Brexit sans accord, on s’en remettra’ ».
Au-delà de ces éléments culturels, Yves Bertoncini rappelle qu’il y a eu une crise économique majeure, et notamment au Royaume-Uni, qui a conduit à des coupes budgétaires et des régressions sociales pour lesquelles l’Europe n’était pas responsable. Le Royaume-Uni n’avait pas non plus actionné de clause de sauvegarde au moment de l’élargissement de 2004, ce qui a permis une libre circulation des travailleurs en provenance de l’Europe centrale et orientale. « Cela a créé des crispations, y compris dans les milieux populaires ».
« Le résultat du referendum – fâcheux, mais démocratique – découle par conséquent d’une succession de motifs qu’on peinerait à trouver ailleurs en Europe ». Le Président du Mouvement européen – France ne croit pas que l’europhobie puisse s’exprimer de la même façon ailleurs sur le continent, même l’euroscepticisme y est également très présent.