Le Brexit 5 ans après : oui, mais non – merci !
Il y a 5 ans que le référendum portant sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne (UE) été remporté par les partisans du « Brexit » et cet anniversaire permet de dégager au moins trois leçons politiques pour les Européens.
1. Le « Brexit » réfute l’idée que l’UE ne tient pas compte du verdict des référendums
52% des électeurs du référendum du 23 juin 2016 ont souhaité quitter l’UE, et cette volonté populaire a été suivie d’effets. Les 27 autres pays de l’UE ont souvent accueilli ce choix avec tristesse, parfois avec incompréhension – toujours avec appréhension. Ils n’ont cependant pas fait obstacle à la réalisation du Brexit, qui traduit un choix démocratique souverain. Voilà qui devrait clore le bec à tous ceux qui évoquent « l’Union soviétique européenne » et rappeler que l’UE n’est ni un empire ni une « prison des peuples » : on savait déjà qu’il était tout à fait possible de refuser d’en faire partie (exemple des deux référendums négatifs en Norvège), on saura désormais qu’il est tout aussi possible de la quitter
C’est seulement lorsque des « référendums » européens négatifs portent sur des enjeux par nature plus indivisibles, et notamment les règles de fonctionnement de l’UE, qu’il est plus délicat de donner une suite évidente à leur verdict. Lorsque les Français et les Néerlandais rejettent le Traité constitutionnel européen, il n’est pas aussi simple de leur donner pleinement satisfaction, a fortiori lorsque d’autres peuples ont voté « oui » lors d’autres référendums (les Espagnols et les Luxembourgeois ») ou via leurs représentants. La solution politique doit dès lors être recherchée sur la base d’un examen minutieux des raisons ayant poussé une majorité des votants à dire « non », lorsqu’elles ont un rapport direct avec le texte rejeté. Cette stratégie a été utilisée pour transformer le Traité constitutionnel européen en Traité de Lisbonne, en l’expurgeant de nombreux éléments qui avaient fait l’objet d’un rejet en France et aux Pays-Bas. En pareils cas, le « déni de démocratie » consiste à refuser de tenir compte des avis tout aussi légitimes exprimés dans les autres pays de l’UE afin de conclure un compromis acceptable.
2. Le « Brexit » agit comme une contre-publicité pour les peuples du continent, qui sont plus que jamais attachés à l’UE
« The Economist » s’est lourdement fourvoyé en prévoyant un « effet domino » du Brexit en 1ère page de sa livraison post référendum britannique : non seulement aucun autre gouvernement n’a organisé de nouveau référendum d’appartenance depuis lors, mais l’ensemble des enquêtes d’opinion disponibles indique que la volonté de maintien dans l’UE des peuples des 27 est largement majoritaire, et qu’elle s’est même souvent renforcée.
A ce stade, le « Brexit » et les difficultés à la fois politiques et économiques qu’il suscite ont plutôt fait office de contre-publicité pour les europhobes, de Marine Le Pen à Matteo Salvini, qui jugent préférable de se convertir à l’euroscepticisme sans plus proposer de sortir de l’UE… Leur retraite, sincère ou tactique, est encore plus nette dans les pays membres de la zone euro et de l’espace Schengen, qui portent tous deux l’interdépendance économique et humaine entre Européens à un degré encore plus profond que celle établi avec le Royaume Uni (qui n’était membre ni de l’une ni de l’autre).
Encore faut-il noter que le « Brexit effectif » est intervenu en janvier 2021, plus de 4 ans après le référendum, et que ses effets concrets ont été largement masqués et amortis par la crise du coronavirus… Pour l’heure, il est seulement possible de souligner que les incertitudes et tergiversations liées au divorce RU-UE se sont d’ores et déjà avérées coûteuses en termes d’investissements, de points de croissance et de pouvoir d’achat – quitte à prétendre que tout ira nettement mieux une fois que le Royaume Uni aura « refait sa vie » dans quelques années – ce qui reste à vérifier…
3. Les Britanniques sont devenus des partenaires à respecter mais aussi des rivaux à surveiller
L’accord de commerce et de coopération laborieusement conclu entre le Royaume-Uni et l’UE le 24 décembre 2020 offre un nouveau cadre politique et juridique à nos relations avec notre grand voisin. Les autorités britanniques se doivent de mettre en œuvre un tel accord, notamment s’agissant du protocole visant à maintenir la paix entre les deux Irlande – et ce d’autant plus que Boris Johnson a revendiqué sa conclusion comme un grand succès…
La crainte d’une concurrence déloyale du Royaume-Uni et la nécessité de maintien des conditions équitables pour les échanges économiques constituent le socle de la cohésion politique des 27 depuis 5 ans. Cette cohésion est d’autant plus utile que la « diminutio capitis » économique que constitue le Brexit pour le Royaume Uni va presque mécaniquement le contraindre à devoir renforcer son attractivité et sa compétitivité par des mesures compensatoires (qui ne se limiteront sans doute pas à la fiscalité ou à l’ajustement du taux de change de la Livre…).
Au-delà de cette concurrence économique redoutable, il est désormais nécessaire de considérer le Royaume-Uni comme un pays appelé à promouvoir ses intérêts au détriment de ceux des Européens. Il est donc d’autant plus frappant de voir les nationalistes de notre continent prennent si souvent fait et cause pour Boris Johnson et ses partisans, comme s’ils votaient par procuration, sans s’aviser qu’ils soutiennent ainsi des positions et décisions portant préjudice à nos pêcheurs, à nos travailleurs et à nos entreprises.
Il reste à souhaiter que la dissipation des brumes post-référendaires permettent à chacun d’en revenir à la raison, afin qu’une entente plus cordiale puisse être établie entre le Royaume-Uni et le continent.